Du haut de ses 33 ans, Pauline Maurer dirige la chorale Numa-Droz à la Chaux-de-Fonds et ses 160 chanteurs. Mais ce n’est pas le seul mandat dans son agenda, loin de là. Elle est aussi enseignante généraliste et chanteuse au sein du groupe in Trees, parmi d’autres projets musicaux. Toutes ses casquettes peuvent inspirer plus d’un manager tant elle parvient à faire ressortir le meilleur de chacun avec bienveillance. Voilà pourquoi nous avons souhaité lui donner la parole aujourd’hui.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre quotidien professionnel aujourd’hui ?
Après mon diplôme obtenu à la HEP Bejune, je suis devenue enseignante généraliste en 2013. Mais la musique a toujours fait partie de ma vie et je chante depuis l’âge de 10 ans. Ma scolarité s’est déroulée en parallèle de la musique.
J’ai alors hésité à faire la Haute Ecole de Musique, mais inquiets de l’insécurité financière que cela pouvait représenter, mes parents m’ont poussée dans l’enseignement, une voie plus sûre à ce niveau. Pour autant, ce n’était pas une contrainte pour moi, car j’ai ressenti du plaisir dans mes études. Je dirais même que cette voie s’est construite naturellement, cela me convenait bien, j’étais à l’aise. Et pour cause, toute ma famille vient du milieu professoral.
Comment êtes-vous parvenue à diriger cette chorale ?
Pour en revenir aux racines qui m’ont amenée à cette fonction, il faut d’abord parler de mon directeur qui a décelé ma passion pour la musique. Pour cela, il m’a alors proposé d’enseigner cette matière à toutes les classes de 7-8FR (élèves de 10 à 12ans).
C’est après cela que j’ai repris la chorale pour un remplacement d’urgence en cours d’année scolaire. J’avais alors 26 ans et devais « affronter » 100 adolescents devant moi, très attachés à leur ancien directeur de chœur.
Ce fut mon premier défi, m’imposer alors qu’ils avaient déjà construit une histoire et que je n’avais pas d’expérience dans la direction de chorale.
J’ai alors été épaulée avec beaucoup de bienveillance par le pianiste de la chorale, Stanislas Romanowski, avec lequel je collabore toujours.
Mais comme dans tout ce qui s’impose à moi dans la vie et qui me passionne: j’ai fait ! Je me forme et je me lance, mais dans le même temps, je me mets une pression importante, car on m’a offert cette possibilité. Aujourd’hui, le pari est réussi: la chorale n’a fait que grandir malgré la pandémie.
Quels sont vos autres mandats en parallèle ?
En plus de mon groupe, in Trees, je donne des cours de chant à la fondation Ton sur Ton. J’enchaîne également quelques mandats de coaching vocal et de cours pour adultes désireux d’être plus à l’aise avec leur voix. Je chante dans le groupe DC & The Marvels et également au sein de l’Orchestre Jaune à Lausanne, mais cela n’implique pas ma présence toutes les semaines. Avant la pandémie, je jouais avec beaucoup de monde, j’enchaînais tous les week-ends. Après cette période, j’ai calmé le jeu sur les chœurs pour me consacrer à in Trees et à la Chorale Numa-Droz.
Comment gérez-vous les responsabilités variées liées à tous ces rôles et mandats ? Utilisez-vous les mêmes approches dans vos différentes activités ?
L’approche est différente pour chaque projet. La chorale est une démarche pédagogique. C’est leur concert, pas le mien. Cette formation existait avant moi et existera après moi.
Au niveau du travail des chansons dans mes projets personnels, je suis toujours en train d’essayer de faire mieux. J’optimise même mes trajets en voiture pour faire mes vocalises. Je chante quoi qu’il arrive.
Pour tout cela, je me base sur un agenda très précis. Pour 2 concerts, j’ai 2 répertoires à travailler et j’inscris aussi tous les moments dédiés à l’apprentissage des chansons.
Selon vous, quelles sont les qualités communes entre le rôle de cheffe de chœur et celui de manager d’équipe ?
Dans le cadre d’une chorale, mon rôle est de créer un lien entre les choristes et moi, et aussi entre eux. Pour moi, cela rejoint le rôle d’un manager qui ne doit pas oublier l’esprit d’équipe.
Il faut ainsi que chacun se sente exister en tant qu’individu, même parmi 160 personnes. Tous ont un prénom, une personnalité, des compétences. Ils font partie d’un tout, mais ils sont importants individuellement. Cela vient avant tout de mon comportement et de l’environnement bienveillant que j’essaie de mettre en place.
Mais attention, cela demande en parallèle une grande organisation de ma part, et une rigueur que je leur demande. Quand le concert annuel de la chorale est terminé, le lendemain, je lance la préparation du prochain. Je précise quelque chose d’important : cette chorale est excellente et renommée pour sa qualité depuis sa création il y a environ 40 ans, mais pour y parvenir, ces jeunes travaillent leur voix, je les pousse à aller plus loin. Je m’attends à ce qu’ils connaissent leur texte, qu’ils écoutent les chansons, qu’ils soient précis et dans l’équilibre. Je peux leur faire chanter 100 fois la même chose jusqu’à ce que j’entende ce que je veux. J’ai la même exigence envers moi qu’envers eux.
En tant qu’artiste, vous devez vous réinventer sans cesse pour plaire au public, quel est votre secret pour que cela fonctionne ?
Je vais voir et écouter beaucoup de choses pour ne pas rester sur mes acquis, je veux rester actuelle. Je suis ce qu’il se fait en musique dans la région et j’essaie d’être active sur les réseaux sociaux. De plus, je m’entoure et je fais appel à des compétences autres que les miennes pour aller plus loin. Mon objectif quotidien est d’apporter et de servir la musique.
Comment menez-vous de front tous les aspects de votre vie ? Pensez-vous avoir trouvé le parfait équilibre ?
Non, je n’ai pas encore trouvé l’équilibre, mais j’y travaille, car je me rends compte que ce n’est pas possible de tout mener de front en permanence. Par exemple, j’ai donné environ 15 concerts entre le 15 août et le 15 septembre en même temps que la reprise de l’enseignement et j’étais épuisée. Je réfléchis donc à un moyen aujourd’hui de mieux m’organiser. Il ne faut pas oublier que la musique est un vrai métier, pas un hobby.
Si vous deviez donner un conseil à Manager / Responsable de groupe, quel serait-il ?
Je lui dirais de ne pas se mettre en avant, mais d’agir pour la cause dans le respect de soi et de ses collaborateurs, avec beaucoup d’empathie et aussi d’exigence.
Personnellement, cela ne ferait pas sens de diriger la Chorale Numa-Droz si je ne chantais pas dans divers projets musicaux par ailleurs. Je n’ai pas fait la Haute Ecole de Musique, ce qui demeure un complexe pour moi. Je joue avec des musiciens qui l’ont fait, et il m’arrive encore de me sentir illégitime, d’avoir le fameux syndrome de l’imposteur. Pour dépasser cela, je ne me repose pas sur mes acquis, et je me dis que c’est une chance d’être arrivée ici en suivant un parcours différent !